33 / S23 – 01/07 : sensibilisation, spectacle des enfants du CHT et un match plein d’émotions (2/2)

Samedi, j’ai rendez-vous à midi avec Pamella et Nandrianina au collège La Providence, pour préparer la salle où se tient le spectacle. Nous installons des photos à l’entrée, les banderoles devant la scène ainsi que des peluches et des lampions (de la fête de l’Indépendance) : tout est prêt pour accueillir les enfants et le public ! Nous allons ensuite manger rapidement dans une gargote. Enfin rapidement, non, erreur fatale : j’ai commandé des frites ! Rien n’est surgelé bien sûr (et on ne va pas s’en plaindre), donc ça prend toujours un peu de temps à préparer. Surtout que y’a bien que les vazahas pour prendre des frites : les gens normaux, ils prennent du riz ! Mon plat finit par arriver, on mange en quatrième vitesse puis on se dépêche de retourner à la salle.

A g. : par ordre d’apparition, Nandrianina, Pamella et moi.

Quelques associations sont déjà arrivées, dont Grandir à Antsirabe : les enfants sont beaux comme des camions ! Pour ceux qui en douteraient, oui, c’est une vraie expression, pas juste un délire de ma part de comparer des gamins à des semi-remorques. Et pour quelqu’un qui a bossé trois ans dans le poids lourds, croyez bien que c’est un sacré compliment. Bien habillés (l’équipe du CHT a acheté de nouveaux vêtements et tongs à Sabotsy, pour l’occasion), bien peignés (toutes les filles ont de jolies tresses), ils sont rayonnants et au taquet ! Jean-Juste et son sourire me font déjà craquer, habituellement ; mais alors là, dans sa chemise en satin bleue façon prestidigitateur de cabaret, il est incroyable ! Rajoutons à tout cela les chapeaux enrubannés, y’a pas à dire : ils ont la classe.

Je les sens un peu stressés mais concentrés. Le spectacle commence, je me mets sur le côté pour prendre quelques films et photos et assister au show. Sur scène, les larges sourires des enfants témoignent d’un plaisir de jouer et peut-être aussi, d’une fierté de se produire en public : c’est vraiment chouette et touchant de les voir ainsi. Dans le public, les copains.ines qui ne jouent pas ne sont pas en reste : ça danse et ça tape dans les mains devant la scène, c’est qu’ils voleraient presque la vedette aux vedettes ! Pour mon petit article de reporter, c’est par ici.

Au milieu : avec le chapeau, Noro, responsable du Programme de Protection des Enfants des Rues (PPER) pour Grandir à Antsirabe. Que je vais rejoindre en cours de djembé dès la semaine prochaine, c’est décidé !

Dimanche, lever 6h ! J’ai rendez-vous avec Nadège à 7h15 pour une rando jusqu’à la pépinière d’Ambatolahy. Les paysages sont embrumés par la fraîcheur matinale, nous marchons vite pour nous réchauffer. La silhouette noire des arbustes, en contre-jour, se dessine sur le décor de montagnes aux tons pastel : je dois certainement me répéter, mais vraiment, j’adore ces couleurs, à ce moment de la journée. J’espère garder cette motivation, de retour à mon quotidien en France, de me lever tôt pour aller faire des balades de ce genre. Nous arrivons à la pépinière au bout de 2h de marche sur un chemin relativement plat. Nous y faisons un tour : c’est beaucoup plus grand que ce que j’imaginais ! De longues allées sont encadrées par de multiples sortes de plantes, épices et autres arbres fruitiers. Je n’y connais pas grand-chose, je me contente de humer les odeurs et d’admirer les couleurs. Nadège me montre un grand parc, derrière les cultures, où il est possible de pique-niquer et de passer l’après-midi : bonne idée pour un futur dimanche ensoleillé !

Au retour, nous essayons (enfin plutôt, Nadège essaye, je ne fais que suivre comme un « ako » – poulet – sans tête ni orientation) une autre route qui nous fait faire un petit détour. Nous en sommes à plus de 4h de marche à l’entrée d’Antsirabe, ma petite banane de ce matin est loin et la tentation de prendre un pousse, à l’inverse, plutôt présente : il nous faut encore traverser une partie de la ville pour rejoindre Clémentine et Noorina, nous avons prévu un brunch à l’écolodge de Boule. Mais nous résistons. Bilan de cette matinée : 20 km de marche, en 4h30 ; 4h si on enlève la petite pause à la pépinière. C’est pas mal et on est bien fourbu ! Après l’effort le réconfort, c’est encore une fois un brunch pantagruélique qui nous attend. Cette fois, les lémuriens baptisés « Cousin » et « Cousine » sont en liberté ; et de gros dindons semblent très intéressés par nos restes !

Je rentre à la maison à la maison à 14h30, pleinement satisfaite de cette journée déjà accomplie, quoiqu’il arrive ensuite ! Je reprends mes bonnes habitudes de grand-mère et me prépare ma marmite de soupe. Bon, ça va finir par se savoir, alors autant que je vende la mèche moi-même : mon surnom, ici, c’est Bernie, merci Oriane. Jacky, Jacko, Bernie… Mes différents surnoms au cours du temps dégagent vraiment un truc hyper sexy.

Amandine et Gaspard, de retour de leurs vacances a Nosy Be, arrivent dans l’après-midi pour un « goûter fromage ». Parfois, les limites de la décence sont largement repoussées, s’agissant de la bouffe, dans ce groupe. A 18h : direction le Vaki pour le match des Bareas contre le Congo ! Il est à 19h : on appelle cela de la prévoyance. Du coup, on regarde la finale États-Unis – Pays Bas de la coupe du monde des filles, diffusée juste avant… Enfin, jusqu’à 18h30 et une coupure de courant qui éteint tout. Bon, pas d’affolement, on a le temps. Au fur et à mesure que 19h se rapproche, néanmoins, on sent une petite tension monter. A 19h03, le match a commencé et toujours pas de son ni d‘image : la foule qui s’est amassée commence à s’agiter, ça siffle un peu à droite à gauche.

19h09, le groupe des ingénieurs (de nouveaux colocataires, qui sont là pour un chantier cet été) installé à une table un peu plus loin devant nous, brandit un portable : but pour Mada ! Une fois la rumeur propagée et confirmée, la foule explose de joie ! Elle est un peu teintée de frustration tout de même (de mon côté, en tous cas), celle de ne pas avoir vu les images. 19h13, la télé repart, soulagement général. 19h17, ou un truc dans le genre, coupure à nouveau. L’électrocardiogramme général fait des loopings.

19h21, but pour le Congo : encore une fois, la nouvelle nous parvient à travers un portable. La tension est palpable, on siffle à nouveau, les gens manifestent un peu d’agacement mais restent : je ne suis pas certaine que cela se passe ainsi en coupe du Monde en France, les trois quarts du bar seraient déjà vides ! D’un côté, c’est surprenant mais d’un autre, pas tant : la patience me semble une qualité communément répandue, à Madagascar. Et puis, concrètement parlant, il n’y a pas non plus 50 endroits où regarder le match.  A la tension générale s’ajoute une ambiance épileptique créée par les boules à facette et autres éclairages, qui s’allument et s’éteignent de manière aléatoire : sorte d’agonie voltaïque, de lutte mystique et morbide pour garder du jus. Oui, ben rendez-moi l’image, j’arrêterai le lyrisme de bas étage.

10 minutes avant la mi-temps, ça repart : à la bonne heure, la coupure pub passe ni-ckel. Quelques minutes après la reprise, l’un des néons commence à clignoter, symptôme de la rechute. La télé repart en AVC. Quel ascenseur émotionnel ! On a payé nos consommations, on pourrait aller « Chez Sam », le resto à côté qui doit certainement avoir une bonne connexion. Mais bon, ça a l’air assez vide ; au moins ici, il y a l’ambiance ! Et aussi, par solidarité pour Naresh, le patron du Vaki, toujours aux petits soins avec nous : ce ne serait pas très sympa, la soirée a l’air déjà bien assez compliquée pour lui. Depuis le début de la soirée, il est en transe et court partout : il aura autant mouillé le maillot qu’un joueur des Baréas ! 77e minute, nouveau but pour Mada, qui nous arrive à nouveau par l’intermédiaire d’un téléphone : c’est fantastique, presque 1h20 de jeu, 3 buts et on n’en a pas vu un seul en direct ! Ça en devient comique. Le courant revient, enfin, pour les dernières 20 minutes de jeu : le Congo a largement pris l’ascendant sur Mada, qui défend son 2-1, de son mieux et dans la douleur.

Et c’est à la 90e minute que le miracle se produit : nous assistons à un but ! Pas de bol, il est congolais : quel match, en route pour les prolongations ! L’essence est-elle arrivée, le courant est-il revenu, a-t-on fait un massage cardiaque au générateur ? Aucune idée, en tous cas, nous assistons aux 30 minutes de prolongations sans interruption : on en aurait presque oublié ce que l’on regarde ! Pas facile pour les Baréas, le Congo garde un net avantage offensif : mais ils s’en sortent, ils ont une bonne défense et le gardien fait plusieurs sorties décisives.

Belote, rebelote, dix de der’ : on aura eu la totale, place à la sentence des tirs au but. Je parlais de tension dans la foule amassée sur la terrasse du Vaki : à cet instant, elle pourrait éclairer toute l’île ! Mada commence : but, ça part bien ! C’est au Congo de tirer : la balle passe largement au-dessus de la barre, éclatement de joie dans le bar ! Les tirs se poursuivent, chacun est marqué, Mada garde l’avantage. Le quatrième tir du Congo sera le dernier, puisqu’il est arrêté par le gardien malgache. Bon, je ne vous fais pas un dessin : explosion de joie générale, foule en délire, giclées de bière dans les airs, on se prend tous dans les bras et tutti quanti ! Je n’ose pas trop projeter les Baréas trop loin dans la suite du tournoi mais en tous cas, ce soir, c’est comme si les verts avaient gagné la finale : alors profitons déjà ce que l’on a !

Nous quittons le Vaki et décidons d’aller jusqu’à la gare pour profiter de la liesse générale : toute la foule converge au même endroit, des voitures et minibus débordent de gens, hommes, femmes et enfants, qui agitent des drapeaux ; il y en a sur les toits aussi. Beaucoup ont sorti des instruments de cuisine en métal : casseroles, couvercles en métal, tasses, louches, tout est propice à faire du bruit et manifester la joie ! Nombreuses sont les personnes surprises de nous voir, en tant que vazahas, et surtout Aude et moi : elle, avec son pull aux couleurs de Mada et moi avec mon maillot. Beaucoup de gens nous disent « merci », ça me touche. Et, pour une fois, j’ai l’impression d’être invisible, dans cette foule immense. De pouvoir partager la joie des Malgaches comme si j’étais l’une des leurs, enfin.

Nous arrivons sur l’avenue de l’Indépendance qui mène à la gare : c’est un véritable flot humains et de voitures qui fait le tour de la place, dans un concert de klaxons, de drapeaux, de pouet-pouet et de « Alefa, Barea ! » criés dans tous les sens. Bref, c’est la grosse fête, quelle chance de pouvoir partager ce moment ! Rendez-vous jeudi prochain à 22h pour le quart de final. Je n’ose me permettre d’envisager la victoire mais, quoiqu’il arrive, tout ce qui s’est passé et ce qu’on a pu vivre là est déjà magnifique !

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